Des rituels d’information à recréer

 

 

Quand les médias écrits sont passés à l’ère numérique, l’information a essentiellement pris la forme de flux, branchés en continu sur le pouls de la planète. Avec cette transition, les rituels de lecture, associés à une prise de parole éditoriale, se sont perdus. Nous voulons les recréer.

Doit-on aujourd’hui considérer que les médias écrits ont vécu leur aggiornamento sous la forme de saut dans l’ère numérique ?

Force est de constater que la digitalisation des canaux de distribution a profondément changé les règles du jeu, avec un impact majeur sur les contenus eux-mêmes et la redéfinition complète des rôles. Une évolution qui a gommé certaines caractéristiques des médias dits traditionnels. Dans l’univers de l’information, mais également dans celui de la musique ou du cinéma, la digitalisation a en effet supprimé cette « unité de matière » qui permettait d’assembler les contenus, de les réunir selon certains critères de sélection et de les hiérarchiser. J’en veux pour exemples les rendez-vous classiques de la télévision avec ses grilles de programmes ou la présentation des quotidiens avec leurs rubriques, leurs éditoriaux et leurs pages de services agendés par ordre de priorité et d’importance. Dans l’univers digital, ces rendez-vous, ces rituels de lecture, ont disparu, étant donné que l’information répond désormais à une logique de flux.

 

Jacques Matthey, Directeur des rédactions du groupe ESH Médias

Après une première partie de carrière dans le sponsoring et la communication, Jacques Matthey est entré dans le monde de la presse en 1998, alors que les quotidiens neuchâtelois L’Impartial et L’Express s’apprêtaient à fusionner leurs sociétés éditrices.

La direction générale de la Société Neuchâteloise de Presse lui sera confiée en 2008 et il en pilotera la transformation, les développements digitaux, le renouvellement des offres éditoriales et publicitaires, ainsi que l’évolution majeure des titres historiques vers un média neuchâtelois unifié : Arcinfo. Depuis 2019 il est également directeur des rédactions du groupe ESH Médias (Le Nouvelliste, Arcinfo et La Côte).

 

 

Stop à l’infobésité

Par rapport aux journaux quotidiens ou aux programmes d’émissions radio, la digitalisation des médias a déstructuré l’information. Et cette logique de flux qui en découle a déplacé l’ordre des priorités. L’important n’est plus tellement dans le contenu lui-même que dans la manière de le rendre disponible en tout temps et en tout lieu. Les maîtres-mots sont : permanence et immédiateté avec, comme corolaires, une fragmentation de l’information et un nivellement de valeur. Cette même logique, poussée à son stade ultime, on la retrouve avec les médias sociaux. Les contenus y sont édités sans aucune distinction, si bien que l’article d’un média de référence aura le même poids que la photo de chat du voisin. Et ce n’est pas du côté des algorithmes qui régissent ces flux d’information qu’il faut regarder pour espérer mieux, dans la mesure où ils répondent essentiellement à des intérêts commerciaux. Conséquence : l’information de qualité a laissé la place à l’infobésité, soit un déversement ininterrompu de contenus qui donne la fausse impression d’être toujours informé mais ne permet en rien de se forger une opinion.

 

Une quête de sens face à l’actualité

Nos audiences sont aujourd’hui en attente d’autre chose. Face à cette surabondance de contenus, le besoin se fait clairement sentir d’obtenir une mise en perspective de l’information digitale devant répondre à un souci de hiérarchisation et de priorisation pour être mieux comprise. Il est question de pertinence et de proximité dans ce que le lecteur est en droit d’attendre. Cette quête de sens n’est d’ailleurs pas propre aux médias. On la retrouve dans de nombreux domaines, comme le tourisme ou l’alimentation par exemple, où la recherche du vrai et de l’authentique l’emporte sur le besoin de nouvelles sensations ou de nouvelles saveurs. La réponse à cette orientation tient évidemment à la qualité intrinsèque des contenus mais pas seulement. Elle se joue également dans notre capacité à recréer des rendez-vous, ces rituels évoqués plus haut. En d’autres termes, pour répondre de manière adéquate aux besoins et aux envies de nos lecteurs, il s’agit d’extraire calmement de la masse d’informations les sujets susceptibles d’avoir une importance à leurs yeux, pour leur donner la place qui leur revient dans un ensemble cohérent et structuré. Et ce, en leur expliquant en toute transparence le pourquoi de la démarche et la raison de ces choix.

 

De nouveaux rendez-vous éditoriaux

Dans le cadre des titres du groupe ESH Médias (Le Nouvelliste, ArcInfo et La Côte), cette approche va prendre un contour nettement plus précis dans les semaines à venir. Elle va en effet se concrétiser par de nouvelles plateformes digitales offrant un véritable écrin à même de valoriser nos contenus. Des nouvelles newsletters, à la fois quotidiennes et thématiques, sont programmées, en même temps qu’une édition d’information digitale du soir dans une formule narrative inédite. Des solutions de contenus personnalisés aux choix des lecteurs sont également en cours d’élaboration. Avec ce type de propositions, il s’agit de recréer sur supports numériques les liens privilégiés entre une rédaction et ses lecteurs. Et pour parvenir à cette relation de qualité, il est essentiel non seulement de maintenir des prises de paroles originales et une ligne éditoriale forte mais également de lui donner un cadre valorisant qui reflète la valeur ajoutée du travail d’information.

 

Par Jacques Matthey

 

OpenSource est un programme de diffusion de contenus institutionnels du groupe ESH Médias. Celui-ci a pour but de donner la parole, de manière récurrente, à des acteurs internes clés spécialistes dans les domaines d’expertise du groupe.

 

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